Un échec commercial pour une grande série burlesque d'un des plus inhabituels auteurs contemporrains. La photo ci-dessous est la plaquette promotionnelle de la série, avec Lester Guy (Ian Buchanan à droite) et Betty Hudson (Marla Jeanette Rubinoff à gauche).
Série américaine de 1992 en 7 épisodes, de David Lynch et Mark Frost.
Coproducteur exécutif: Robert Engels. Avec Ian Buchanan (Lester Guy), Nancye Ferguson (Ruth Trueworthy), Miguel Ferrer (Bud Budwaller), Gary Grossman (Bert Schein), Mel Johnson Jr. (Mickey), Marvin Kaplan (Dwight McGonigle), David L. Lander (Vladja Gochktch), Kim McGuire (Nicole Thorn), Marla Jeanette Rubinoff (Betty Hudson), Tracey Walter ("Blinky" Watts), Sydney Lassick (M. Zoblotnick), Irwin Keyes (shorty le machiniste), Raleigh et Raymond Friend (les jumeaux).
Coordination de la production: Ken Scherer. Musique: Angelo Badalamenti. Production: Lynch/Frost Productions, Inc.
Diffusé pour la première fois le 20 juin 1992 sur A.B.C. aux U.S.A. et le 18 décembre 1992 sur Canal Jimmy (par câble) en France.
Informations plus détaillées dans l'Internet Movie Database.
Nous sommes en 1957, à l'aube de la télévision. A l'époque, tout se fait en direct, y compris le Lester Guy Show, spectacle grand public de prime-time de la Zoblotnick Broadcasting Corporation, avec Lester Guy, une star du cinéma sur le retour, qui est censée rameuter les foules et enrichir les actionnaires de la société. Seulement voilà: pour payer le cachet mirobolant d'un Lester Guy réduit à jouer les têtes d'affiche d'une émission de variétés, ou pour d'autres raisons plus obscures, l'émission est, sans que personne ne semble s'en apercevoir, loin de disposer des ressources nécessaires à son ambition. Le plateau est rempli de gens incompétents, d'accessoires de théâtre plus ou moins vaseux, de responsables de chaîne qui tyrannisent et terrorisent les employés; et surtout, personne ne semble vraiment savoir à quoi doit ressembler le spectacle ni quel rôle il doit y jouer. De derrière les coulisses, l'émission semble une vaste fumisterie, un spectacle de quatre sous censé rapporter des millions d'auditeurs et autant de dollars par des réclames mensongères et ringardes.
A quelques heures du premier Lester Guy Show. Après une répétition parfaite, la soirée d'ouverture semble devoir être une réussite, malgré les incompréhensions notoires entre metteur en scène et comédiens, entre artistes et accessoiristes. La suite des événements démentira un beau début, et c'est une catastrophe impressionnante que les téléspectateurs recevront dans leur poste.
La situation ne s'arrangera guère au long des épisodes. Dans le petit monde du tournage, c'est la guerre, entre le puant Lester Guy et sa collaboratrice idolâtre Nicole Thorn d'un côté; la douce,naïve et incommensurablement sotte Betty Hudson de l'autre, qui a involontairement ravi la vedette à l'autre vaniteux; et au milieu la direction, intriguante (Bud Budwaller), stupide (Vladja Gochktch) ou aveugle (M. Zoblotnick).
D'emblée, avant même que l'émission ne commence, avant même que l'on soit "à l'antenne" (on the air en américain), les auteurs ont posé leurs marques, ont fait passer le message satirique. Pour eux, le monde de la télévision est une jungle, ou l'argent et les relations ont beaucoup plus de valeur que l'intelligence et la créativité. Les producteurs de la télévision sont bien loin de considérer ce qu'ils font, et par extension le public, comme leur première préoccupation. Ce serait plutôt un moyen d'ascension sociale, une façon de ramasser des millions en vendant n'importe quelle daube plus ou moins teintée d'eau de rose, d'action, de mystère, et bien sûr largement farcie de publicité.
Pas étonnant donc, que les responsables d'A.B.C. n'aient pas apprécié la pilule. Tout comme Twin Peaks, On the Air est une série intelligente, qui nécessite de la part du spectateur concentration et réflexion. Les gags s'enchaînent et s'imbriquent, et on ne peut en être sensible qu'en étant attentif à l'écran. Cette série ne peut être regardée d'une manière distraite, et les américains, comme à leur habitude, l'ont trouvée "pas drôle du tout", voire "idiote". A.B.C. réagit promptement en la rayant des grilles de programme, après seulement trois épisodes sur les sept de la série. Les épisodes ont en revanche tous été diffusés sur Canal Jimmy, chaîne câblée française, en V.O. en décembre et janvier 1992-1993.
Cependant, cette série n'est pas sérieuse du tout dans la façon de traiter le sujet. L'ensemble ressemble à une comédie outrancière, une farce, beaucoup plus proche du dessin animé que du cinéma: les personnages volent, s'écrasent sans jamais se blesser mais en voyant des étoiles, les animaux semblent tout aussi futés que les humains, et les objets semblent animés d'une malignité propre. On the Air est une série très riche en symboles et éléments de réflexion, mais aussi très amusante pour quiconque a deux sous de bon sens.
[SPOILER du pilote] Révéler la fin ou pas est complètement secondaire, car cette série s'apprécie sur toute sa durée et non sur son suspens final. La catastrophe, au sens des responsables du tournage, deviendra une réussite commerciale, un peu comme la réclame ratée de Charles Chaplin dans A king in New-York. Le message des auteurs s'éclaircit d'un jour nouveau: non seulement les producteurs de télévision sont des personnages vils et cupides, mais ils ont la tâche facilitée par la naïveté et la bêtise des téléspectateurs américains qui avalent n'importe quoi. Nous en avons d'ailleurs à plusieurs reprises des portraits très peu flatteurs.
Le dernier épisode se terminera par un final ahurissant, on se demande si l'équipe du tournage d'On the Air n'a pas rejoint celle du Lester Guy show pour nous dire adieu. Malheureusement, la série n'en profitera pas puisque c'est après le 4e épisode que la série, déjà amputée du 1e et 3e, fut interrompue aux U.S.A.
David Lynch est très connu parmi les cinéastes contemporains. Auteur d'Eraserhead (Labyrinth man, 1976), The Elephant Man (Elephant man, 1980), Dune (1984), Blue Velvet (1986) et Wild at heart (Sailor et Lula, 1990), David Lynch s'affirme comme un réalisateur en marge de la production classique. Ses oeuvres se caractérisent par une grande intelligence, une foule de symboles plus ou moins cachés, une ligne de tournage complètement inhabituelle avec des images étranges, très travaillées et "un petit peu folles".
Mark Frost a commencé dans les séries en scénariste de Sunshine et The 6 Millions Dollar Man. Il est ensuite devenu scénariste puis responsables des scénarii de Hill Street Blues. On the Air est sa troisième collaboration avec David Lynch après Twin Peaks (la série et le film Fire Walks with Me) et The American Chronicles. En 1989, le fameux feuilleton télévisuel Twin Peaks (Mystères à Twin Peaks) a complètement rénové les idées que chacun se faisait des feuilletons et séries télévisées. Très apprécié dès sa sortie, Twin Peaks a rapidement perdu son audience, lorsque les téléspectateurs américains se sont aperçus qu'il fallait réfléchir pour aborder et suivre le feuilleton. Le réseau A.B.C. avait d'ailleurs interrompu la diffusion, tout comme faillit le faire La Cinq lorsque le feuilleton est sorti en France.
On the Air serait, paraît-il, la dernière collaboration télévisuelle David Lynch - Mark Frost, une sorte de sortie, de pied de nez au monde de la télévision qui va, pour la seconde fois, mais peut-être avec plus de raison, les trahir.
Dans Twin-Peaks, Ian Buchanan (Lester Guy) est l'involontairement désopilant Dick Tremayne; Miguel Ferrer (Bud Budwaller) est l'imposant Albert Rosenfield.
Angelo Badalmenti est le compositeur fétiche de David Lynch. Auteur de la musique de Blue Velet, et Twin-Peaks (la série et Fire Walks with Me).
On the Air est une série explosive. Critique acide du monde de la télévision, qui obsède de plus en plus les artistes contemporains. C'est le cinéma qui a mis en lumière le paradoxe, puisqu'il mêle art et industrie. Art dans la mesure où la plupart des films sont l'expression d'un auteur ou d'une équipe, des artistes en quête d'expression, de poésie, de beauté. Industrie dans la mesure ou la création d'un film représente une somme colossale de moyens financiers, pour une distribution populaire offerte à des millions de gens. Comment se réalise cette alliance art - industrie? C'est selon... Certains auteurs, tels Fritz Lang ou Marcel Carné ont réussi à faire des chefs d'oeuvre du 7e art, qui étaient à la fois des grands succès du cinéma populaire. D'autres, comme Luis Buñuel ne devaient le salut de leur production que par le mécénat ou la réduction de budget. Mais qui décide des crédits financiers que l'on accorde à tel ou tel artiste? Est-ce un critique d'art, quelqu'un qui a étudié à fond l'histoire du cinéma et qui a montré une grande sensibilité à l'art? Que nenni: à un financier, un directeur commercial, quelqu'un qui raisonnera en termes de coûts et de points au box-office. Ces gens là ont le sens du commerce, le sens de ce qui plaît aux masses. On retrouve ce thème dans le cinéma d'aujourd'hui, avec Barton Fink, par exemple, où le pauvre auteur, sûr de présenter à son patron "le meilleur de ce qu'il ait jamais fait" se voit répondre que "ça ne vaut pas un clou" et que ça restera définitivement dans un tiroir. Dans Independance Day, l'engouement des américains pour les extra-terrestres qui arrivent et qui sont sur toutes les lèvres n'a d'égal que celui que les producteurs cherchaient à obtenir pour leur film; dans Jurassic Park, on voit les T-shirts estampillés du parc: clins d'oeil ou opération mercatique? Non: simple métaphore, car c'est ce matraquage et ce "drainage financier" qui permet de financer le parc d'attraction, démesurément coûteux, aussi coûteux relativement que le film et ses effets spéciaux pour qui la campagne publicitaire massive (campagne au sens quasi militaire, vous avez lu Le Domaine des Dieux...) était vitale.
C'est là que les auteurs sont piégés. Tous ne s'appellent pas Steven Spielberg ou Francis Ford Coppola, tous n'ont pas un nom qui ouvre les portefeuilles; et le problème à la télévision est décuplé par la multiplicité des chaînes et la télécommande. Dans un épisode de Columbo de 1989, Murder, smoke and shadows (Ombres et lumières), les auteurs dénoncent Hollywood et leur manque de scrupules et de modestie. Dans On the Air, David Lynch et Mark Frost insultent le monde de la télévision en le caricaturant d'une manière incendiaire. Questions: pourquoi croyez-vous que la diffusion de Twin Peaks ai failli être arrêtée sur La Cinq? Pourquoi n'avons-nous que des téléfilms minables à la télévision en début de soirée et le meilleur après 22h30? Pourquoi les productions françaises sont si débilitantes (Classe Mannequin, Hélène et les Abeilles, Les Musclés...)? Pourquoi M6 sabotent elle la diffusion de séries telles X-Files, Sliders, Highlanders en les passant dans le désordre et/ou supprimant des épisodes? Les réponses sont dans "The Lester Guy show... starring Lester Guy!..."
Guide des épisodes de Dennis Kytasaari.
En papier il y a le No5 de Génération Série (3 rue Buirette, 51100 Reims) qui consacre un dossier sur On the Air. Sur Angelo Badalamenti, on peut lire un court entretient dans le Mad Movies No78.
Sur Twin-Peaks: FAQs et page de Jon Yager.
Merci à Jean-Luc Finotto pour l'accès à sa vidéothèque
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