Article de Fulgence Girard paru dans Le Monde illustré n°4, p. 8, le 09/05/1857.
Locomotive à vapeur G 8.1, pour le fret, modèle prussien. Photo Tobias Nüssel |
Inauguration du chemin de fer de Toulouse à Cette, d’après une photographie de M. Le Gray |
L’inauguration d’un chemin de fer n’est pas seulement la consécration d’un utile et important travail, le couronnement d’une entreprise féconde ; elle a un caractère plus général et plus élevé, elle est la fête du travail et de l’industrie ; elle est la fête de la richesse.
Le temps, c’est de la monnaie, disent avec une grande justesse de pensée les Américains. Multiplier le temps, c’est multiplier le capital universel ; l’inauguration d’un chemin de fer, c’est donc la fête du bien-être général ; c’est mieux que cela encore, c’est la fête de la civilisation.
Cette locomotive, ce dragon au corps de fer et aux entrailles de feu qui emporte, dans son essor, voyageurs et marchandises, vous croyez qu’il n’entraîne avec lui que des hommes et des colis ?… Erreur ! il transporte un bagage bien autrement précieux. Son brasier n’est pas seulement un âtre de chaleur et un générateur de force, c’est encore un foyer de lumière. Un savant professeur, M. Michel Chevalier, l’a dit : « Avec les ballots circulent les idées. » Et, comme si cette vérité n’était pas assez manifeste, voilà des fils de fer qui s’étendent parallèles aux rails et la pensée qui s’élance le long de ces fibres en effluves palpitantes. Chose étrange ! ce fluide qui jaillit en éclairs dans le ciel, fait jaillir dans les intelligences la pensée, cet éclair mental. La lumière pour les yeux et les esprits jaillit de la même source.
Ces ardentes et intelligentes populations du Midi l’ont bien compris ; voyez, avec quel enthousiasme elles l’accueillent ; vous avez la scène dans toute sa réalité ; comme toutes celles que donne le Monde illustré, elle a été prise sur la nature ; il n’a pas voulu s’en tenir à une reproduction rapide et, à raison même de sa rapidité, trop souvent incomplète ; à une de ces improvisations du crayon dont la précipitation indique plutôt la scène qu’elle ne la reproduit et l’arrête. Un habile photographe, M. Le Gray, l’a saisie dans le fait même, et le burin l’a fixée dans sa vérité vivante. La voici donc : Toulouse s’est parée de festons et de guirlandes pour recevoir ce glorieux hôte ; Bordeaux le bénit par la voix de son prélat. Oh ! oui, bénissez-le, monseigneur ! bénissez-le, le triomphateur pacifique, car, lui aussi, c’est un apôtre : qui ne voit pas qu’en supprimant les distances, il rapproche, les hommes ? Or, le terme que le divin Maître nous a proposé à tous comme le but de la perfection, n’est-ce pas l’unité ?
Inauguration du chemin de fer de Rennes. - Cortège du duc Jean V, d’après les croquis de M. Bonaffay |
F.G.
Viaduc de Chaumont, sur le chemin de fer de Paris à Mulhouse, d’après une photographie de M. Petit, photographie à Langres. |
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OCR par Josh CM 2008, photo locomotive copyleft.
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