Quelques mots sur david Lynch, un grand maître de la télévision et du cinéma contemporains.
Né à Missoula, Montana, en 1946. Suit les cours de l'Académie des beaux arts de Pennsylvanie. Fait son premier film à l'Académie en 1967, Six figures (1967), court métrage animé d'une minute, puis The Alphabet (1968), court métrage d'animation de 4 min. Reçoit une subvention de l'American Film Institute (A.F.I.) en tant que réalisateur indépendant pour faire The Grandmother (1970), film d'animation de 34 min., primé aux festivals de San Francisco, Belleview et Atlanta et présent au festival du film d'Oberhausen. Reçoit le Critic's Choice Award (récompense émanant d'un groupe de critiques sanctionnant les meilleurs réalisateurs subventionnés par l'A.F.I.). Premier long métrage en 1976: Eraserhead (parfois connu en France sous le titre Labyrinth man) réalisé en coopération avec l'A.F.I. The Elephant Man (Elephant man, 1980), produit par Mel Brooks; unanimement accueilli. Le monde du cinéma découvre David Lynch.
Après ces deux chefs d'oeuvre, suivront six films majeurs: Dune (1984), épopée de science-fiction prise très au sérieux adaptation du best seller de Frank Herbert, Blue velvet (1986), policier trouble, angoissant, Twin Peaks (série de trente épisodes, 1989 à 1991), policier encore, toujours aussi malsain et obscur, Wild at heart (Sailor et Lula, 1990), sorte de road movie, insolite, Twin Peaks, Fire walks with me (1992), complément ésotérique à la série, seuls les fanatiques de la série, et encore pas tous, ont assimilé ce film, et enfin le chef d'oeuvre de burlesque moderne On the air (série de sept épisodes, 1992). D'autres production émaillent ce palmarès: The Cow-boy and the Frenchman (Le Cow-boy et le Frenchman, 1988, série documentaire caricaturant les français), Zelly and me (1988), Industrial Symphonie n°1 (spectacle de David Lynch, Angelo Badalamenti et Julee Cruise), American Chronicles (réalisé avec Mark Frost, 1990-1991, série documentaires de 13 épisodes)
Il y a des gens, dans l'histoire du cinéma, qui ont l'habitude de faire des films avec une équipe et qui s'y tiennent. On peut parler de Marcel Carné, dans les films duquel on retrouve Jacques Prévert, Arletty, Jean Gabin... ou d'Ingmar Bergman dont les acteurs au nom imprononçable étaient toujours les même.
David Lynch est de ceux-là. Jack Nance est présent dans presque tous ses films (Eraserhead, Dune, Blue velvet, The Cow-boy and the Frenchman, Twin Peaks et Wild at heart), avec des rôles tantôt de premier plan, tantôt de personnage secondaire ou de figurant. Kyle McLachlan est aussi un fidèle; découvert pour Dune, il sera de Blue velvet et Twin Peaks, dans des rôles importants. La musique est primordiale chez David Lynch, une seule signature, celle d'Angelo Badalamenti (Blue velvet, Industrial Symphony n°1, Twin Peaks, Wild at heart, On the air) Dans les autres interprètes récurrents, on trouve Charlotte Stewart (Eraserhead, Twin Peaks), Everett McGill (Dune, Twin Peaks), Michael Horse (The Cow-boy and the Frenchman, Twin Peaks), Isabella Rossellini (Blue velvet, Zelly and me et Wild at heart), Laura Dern (Blue velvet, Wild at heart), Dean Stockwell (Dune, Blue velvet. Dean Stockwell passe tous les jours sur M6 dans Quantum leap [Code quantum]), Ian Buchanan et Miguel Ferrer (Twin Peaks, On the air) et enfin le bouquet du couple Twin Peaks - Wild at heart : Sherilyn Fenn, Jack Nance, Sheryl Lee, Grace Zabriskie et David Patrick Kelly.
Tout ceci est difficile à saisir d'un seul coup d'oeil, seul point à retenir, les films de David Lynch sont d'une part le résultat d'un travail d'équipe, où chacun se trouve en résonance et en accord avec les autres, d'autre part un ensemble d'où l'on ne peut rien supprimer sans nier certaines parties du reste de son oeuvre.
La première chose qui choque, chez Lynch, c'est l'image. Dès les premiers plans, alors que l'on nous présente d'habitude le décor et les personnages, Lynch nous introduit à l'ambiance de ses mondes. L'univers industrieux d'Eraserhead, le petit monde insectoïde de la pelouse et de l'oreille de Blue velvet, la campagne canadienne de Twin Peaks, l'année 1957 d'On the air... Chacune de ces introductions nous indique moins où ni quand nous sommes que la certitude d'entrer dans un monde étrange, cérébral, où les objets ont un sens caché, où l'âme humaine est torturée. Pour nous dire cela, il est aussi à l'aise en noir et blanc qu'en couleur. L'utilisation du jeu de lumière et d'ombre, de l'image insolite tortueuse était jusqu'alors l'apanage du noir et blanc, que les artistes de photographie se sentent le mieux à même de maîtriser. Pourtant, on peut dire que David Lynch réalise la synthèse de l'art photographique noir sur la couleur, et donne à ses images un cachet inédit, tant par le sujet que par sa forme, son éclairage, sa couleur et sa mise en valeur: musique, cadrage, durées. Ce qu'il avait réussi à faire avec le noir et blanc expressionniste dans Eraserhead et The Elephant Man (qu'on regrette de ne pouvoir vous présenter), il arrive à le reproduire dans Blue velvet, Twin Peaks, Wild at heart. Avant Dune, on pensait que le David Lynch's touch était dans une utilisation stylisée et particulière du noir et blanc. Elle est ailleurs. Elle est dans une façon de voir le monde, de faire jouer son équipe de comédien dans ce jeu décalé et psychotique et dans une grande sensibilité à l'image et aux sensations physiologiques et psychologiques qu'elle engendre.
Merci à Eric Tosti; biographie de Mad Movies n°32; filmographie de Génération Série n°5.
Consulter mon article sur Twin Peaks